Dans un contexte de lutte contre l’optimisation fiscale agressive et la fraude fiscale, l’administration française encadre strictement les paiements effectués par des entreprises françaises vers des entités situées dans des pays à régime fiscal privilégié.
L’article 238 A du Code général des impôts (CGI) impose ainsi des conditions strictes à la déductibilité des intérêts, redevances et rémunérations de services versés à l’étranger lorsque le bénéficiaire est établi dans une juridiction à faible imposition, couramment appelée paradis fiscal.
Dans cet article, nous allons examiner :
✔ Les types de paiements concernés par l’article 238 A
✔ Les conditions requises pour leur déduction fiscale
✔ Les contrôles exercés par l’administration fiscale
✔ Les sanctions et les précautions à prendre pour sécuriser ces paiements
1. Quels paiements sont concernés par l’article 238 A du CGI ?
Lorsqu’une entreprise ou une personne physique domiciliée en France effectue des paiements à un bénéficiaire établi dans un pays à régime fiscal privilégié, certaines charges ne sont déductibles fiscalement qu’à condition d’être justifiées.
A. Catégories de paiements visées
Les charges concernées par cette restriction sont :
✔ Les intérêts, arrérages et autres produits de créances et dépôts
✔ Les redevances liées à l’exploitation de brevets, marques, procédés ou autres droits de propriété intellectuelle
✔ Les rémunérations de services (honoraires, commissions, salaires, prestations diverses, etc.)
Ces paiements peuvent être effectués directement à une entité étrangère ou être versés sur un compte bancaire détenu dans un pays à fiscalité privilégiée, auquel cas les mêmes règles s’appliquent.
B. Définition d’un régime fiscal privilégié
Une entreprise ou une personne est considérée comme étant soumise à un régime fiscal privilégié si :
✔ Elle n’est pas imposable dans son pays de résidence
✔ Elle y est soumise à un impôt sur les bénéfices inférieur de plus de 40 % au taux applicable en France
Actuellement, cela signifie que toute entité soumise à un impôt inférieur à 15 % peut être considérée comme relevant d’un régime fiscal privilégié (puisque l’impôt sur les sociétés en France est de 25 %).
2. Quelles conditions doivent être remplies pour déduire ces paiements ?
Si une entreprise française effectue un paiement à une entité étrangère située dans un État à fiscalité privilégiée, elle ne peut déduire ces charges fiscalement qu’en apportant certaines preuves.
A. Justification de la réalité économique des transactions
L’entreprise doit prouver que :
✔ Les paiements correspondent à des opérations réelles et vérifiables
✔ Les transactions ne sont ni anormales ni exagérées en termes de montant ou de structure
✔ Les prestations de services ont réellement été rendues et ne constituent pas de simples flux financiers destinés à déplacer les bénéfices
Si ces conditions ne sont pas remplies, l’administration fiscale peut refuser la déduction des paiements, augmentant ainsi le bénéfice imposable en France.
B. Justification supplémentaire pour les paiements vers un État ou territoire non coopératif (ETNC)
Si les paiements sont effectués vers un État ou territoire non coopératif (ETNC), l’entreprise doit en plus prouver que :
✔ L’objectif des paiements n’est pas d’optimiser fiscalement l’imposition en France
✔ L’effet principal des opérations n’est pas de localiser artificiellement des dépenses dans cet État
Les paiements vers ces territoires doivent être déclarés sur un relevé détaillé spécifique, sous peine de sanctions.
3. Comment l’administration fiscale contrôle-t-elle ces transactions ?
A. Vérification du régime fiscal du bénéficiaire
L’administration fiscale peut examiner :
✔ Le traitement fiscal effectif de l’entité bénéficiaire dans son pays d’établissement
✔ Les taux d’imposition appliqués localement et leur comparaison avec ceux en vigueur en France
✔ Les modalités d’imposition des activités concernées, et pas seulement le taux nominal d’imposition
Si le bénéficiaire est situé dans un paradis fiscal, il appartient à l’administration de démontrer qu’il est effectivement soumis à un régime fiscal privilégié, en fournissant des éléments concrets sur sa situation fiscale.
B. Identification du bénéficiaire réel des paiements
L’administration considère comme bénéficiaire réel l’entité qui perçoit directement les paiements effectués par l’entreprise française, peu importe si ces sommes sont ensuite transférées à une autre entité.
Ainsi, même si les fonds sont réacheminés à un tiers, l’entité initialement réceptrice reste soumise aux règles de l’article 238 A.
4. Sanctions et conséquences en cas de non-respect
Si l’administration fiscale considère que les paiements effectués à l’étranger ne remplissent pas les conditions de déduction, plusieurs conséquences peuvent s’appliquer :
✔ Réintégration des charges dans le bénéfice imposable de l’entreprise en France
✔ Application de pénalités pour insuffisance ou absence de déclaration
✔ Majoration d’impôt pouvant aller de 40 % à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses
✔ Retenue à la source sur les montants requalifiés en revenus distribués, sauf en cas de régularisation avec l’administration fiscale
L’administration dispose également d’un délai de reprise spécifique, permettant d’examiner ces transactions sur une période prolongée.
5. Comment sécuriser ces paiements internationaux ?
Pour éviter tout risque de redressement fiscal et de sanctions, les entreprises doivent :
✔ Documenter soigneusement leurs transactions : conserver les preuves des prestations fournies et des justifications économiques des paiements
✔ Éviter les montages fiscaux artificiels : s’assurer que les paiements correspondent à des opérations réelles et vérifiables
✔ Vérifier la fiscalité des bénéficiaires étrangers : analyser les taux d’imposition applicables et s’assurer que l’entité étrangère n’est pas soumise à un régime fiscal privilégié
✔ Déclarer les paiements conformément aux obligations légales, notamment pour les transactions avec des entités situées dans des États non coopératifs
Conclusion
L’article 238 A du CGI constitue un outil de lutte contre l’évasion fiscale qui limite la déductibilité des paiements effectués vers des entités situées dans des juridictions à fiscalité réduite.
Toute entreprise française effectuant des paiements à des résidents étrangers soumis à un régime fiscal privilégié doit prouver la réalité et la normalité des transactions, sous peine de redressement fiscal et de sanctions.
Pour minimiser les risques et optimiser leur fiscalité, il est essentiel que les entreprises adoptent une approche rigoureuse en matière de documentation et de justification des paiements internationaux.
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