L’évasion fiscale des multinationales est un sujet majeur pour les gouvernements et les organisations internationales. Grâce à des stratégies d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting – BEPS), certaines entreprises parviennent à réduire leur charge fiscale en déplaçant artificiellement leurs bénéfices vers des juridictions à faible imposition.
Face à ces pratiques, l’OCDE a mis en place un plan d’action BEPS visant à lutter contre l’optimisation fiscale agressive et à harmoniser les règles fiscales internationales. Ce programme impose de nouvelles obligations aux entreprises et modifie profondément les stratégies fiscales des groupes internationaux.
Dans cet article, nous revenons sur :
- Les mécanismes de BEPS et comment les entreprises les ont historiquement utilisés
- Les mesures mises en place par l’OCDE et les États pour lutter contre ces pratiques
- Les nouvelles obligations pour les entreprises internationales et comment s’y conformer
1. Qu’est-ce que l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ?
L’érosion de la base d’imposition (Base Erosion) fait référence aux pratiques utilisées par les entreprises pour réduire artificiellement leur base imposable dans des pays à forte fiscalité.
Le transfert de bénéfices (Profit Shifting) consiste à déplacer les profits vers des pays où l’imposition est plus faible, via des transactions intra-groupe ou des montages fiscaux complexes.
Ces stratégies permettent aux entreprises de minimiser leur impôt sur les sociétés, tout en maintenant leurs opérations dans des pays où elles bénéficient d’un accès au marché, à la main-d’œuvre et aux infrastructures.
Exemples de pratiques BEPS courantes
✔ Facturation excessive des services intra-groupe : Une filiale située dans un pays à forte imposition paie des frais élevés pour des services de management ou des conseils facturés par une entité du groupe située dans un pays à faible imposition.
✔ Transfert des droits de propriété intellectuelle : Une entreprise localise ses brevets et ses marques dans une filiale implantée dans une juridiction avec une fiscalité réduite sur les redevances.
✔ Prêts intra-groupe et déductibilité des intérêts : Une filiale dans un pays à forte imposition emprunte à une filiale située dans un pays avec une fiscalité plus clémente, ce qui lui permet de déduire des charges d’intérêts et de réduire sa base imposable.
✔ Utilisation des sociétés écrans et des entités sans substance économique : Des entreprises implantent des filiales dans des pays à fiscalité avantageuse sans véritable activité opérationnelle.
2. Pourquoi l’OCDE et les États ont-ils réagi ?
Les stratégies BEPS entraînent une perte de recettes fiscales massive pour les États. Selon l’OCDE, ces pratiques font perdre entre 100 et 240 milliards de dollars chaque année aux gouvernements du monde entier, soit environ 10 % des recettes mondiales de l’impôt sur les sociétés.
Face à cette situation, plusieurs initiatives ont été mises en place pour renforcer la transparence fiscale et éviter l’évasion fiscale :
✔ Le Plan d’Action BEPS de l’OCDE (Base Erosion and Profit Shifting)
✔ Les nouvelles normes fiscales européennes et américaines
✔ L’introduction d’une taxation minimale des multinationales à 15 %
✔ L’échange automatique d’informations fiscales (CRS, FATCA)
Ces mesures ont pour but d’harmoniser les réglementations fiscales, de renforcer la coopération entre administrations fiscales et d’empêcher l’utilisation abusive des régimes fiscaux avantageux.
3. Le Plan d’Action BEPS : un tournant dans la fiscalité internationale
L’OCDE a développé 15 actions BEPS pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales. Ces mesures ont été adoptées par plus de 140 pays et sont désormais intégrées dans les législations nationales.
Principales actions du Plan BEPS
1️⃣ Transparence fiscale et reporting pays par pays (Country-by-Country Reporting – CbCR)
- Obligation pour les multinationales de fournir un rapport détaillant leurs revenus, bénéfices et impôts payés dans chaque pays où elles opèrent.
- Permet aux administrations fiscales d’identifier les incohérences fiscales et d’engager des contrôles.
2️⃣ Prix de transfert et documentation fiscale renforcée
- Obligation de justifier les prix des transactions intra-groupe pour éviter le transfert artificiel de bénéfices.
- Harmonisation des règles pour garantir que les entreprises paient des impôts là où elles créent réellement de la valeur.
3️⃣ Lutte contre les sociétés écrans et les structures artificielles
- Renforcement des règles anti-abus pour empêcher l’utilisation de filiales sans réelle activité économique.
- Limitation des avantages fiscaux accordés aux entreprises qui implantent des entités dans des juridictions à faible imposition uniquement pour des raisons fiscales.
4️⃣ Limitation de la déductibilité des charges financières
- Encadrement strict des prêts intra-groupe et de la déductibilité des intérêts pour empêcher les entreprises de réduire artificiellement leur base imposable.
5️⃣ Taxation minimale des multinationales à 15 %
- Introduction d’un impôt minimum mondial pour empêcher le transfert de bénéfices vers des pays à fiscalité quasi nulle.
- Chaque pays pourra appliquer une taxe complémentaire si une filiale du groupe paie moins de 15 % d’impôt sur ses bénéfices.
4. Les nouvelles obligations fiscales pour les entreprises
Les mesures BEPS impliquent de nouvelles obligations de transparence et de conformité pour les entreprises internationales :
✔ Fournir une documentation complète sur les prix de transfert
✔ Déclarer les revenus et impôts payés dans chaque pays (CbCR)
✔ Justifier l’implantation de leurs filiales dans certaines juridictions
✔ S’assurer que leurs transactions intra-groupe respectent le principe de pleine concurrence
Les entreprises doivent anticiper ces obligations pour éviter les risques de redressement fiscal, les sanctions financières et les atteintes à leur réputation.
5. Comment les entreprises doivent-elles s’adapter ?
Pour se conformer aux nouvelles règles et minimiser leur exposition fiscale, les entreprises doivent adopter une approche proactive et structurée :
✔ Réaliser un audit de leur structuration fiscale pour identifier les risques liés aux stratégies BEPS
✔ Mettre en place des politiques de prix de transfert conformes aux normes OCDE
✔ Documenter et justifier chaque transaction intra-groupe pour anticiper les contrôles fiscaux
✔ Éviter les structures artificielles et s’assurer d’une présence économique réelle dans chaque pays d’implantation
Conclusion
L’ère de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices touche à sa fin. Avec la mise en place des mesures BEPS, les entreprises doivent repenser leur fiscalité internationale et s’adapter aux nouvelles obligations de transparence.
Pour éviter les redressements fiscaux et sécuriser leur stratégie fiscale, il est crucial d’adopter une gestion fiscale rigoureuse et conforme aux normes internationales.
Chez LEXPERTAX, nous accompagnons les entreprises dans l’adaptation à la nouvelle fiscalité internationale et la mise en place de stratégies sécurisées en matière de prix de transfert, structuration fiscale et reporting fiscal.
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