Le transfert de bénéfices à l’étranger est une préoccupation majeure des administrations fiscales à travers le monde. En France, l’article 57 du Code général des impôts (CGI) vise à empêcher ce type de pratique en permettant à l’administration fiscale de réintégrer dans le résultat imposable d’une entreprise les bénéfices qui auraient été irrégulièrement transférés à l’étranger.
Ce dispositif repose sur une présomption de transfert indirect de bénéfices lorsque certaines conditions sont réunies, notamment l’existence de liens de dépendance entre entreprises et l’octroi d’avantages fiscaux anormaux.
Dans cet article, nous détaillons :
✔ Le champ d’application de l’article 57 du CGI
✔ Les critères retenus pour identifier un transfert indirect de bénéfices
✔ Les moyens de défense des entreprises face à un redressement fiscal
✔ Les obligations documentaires en matière de prix de transfert
1. Quelles entreprises sont concernées par l’article 57 du CGI ?
L’article 57 du CGI concerne les entreprises établies en France, soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (BIC), qui sont en relation avec des entités étrangères sous leur contrôle ou dont elles dépendent.
L’administration fiscale doit prouver le lien de dépendance entre l’entreprise française et l’entité étrangère, sauf dans les cas suivants où cette preuve est présumée :
✔ Les transactions sont réalisées avec une entreprise située dans un pays à fiscalité privilégiée (c’est-à-dire un pays appliquant une fiscalité nettement inférieure à celle de la France).
✔ Les transactions sont effectuées avec une entité située dans un État ou territoire non coopératif (ETNC), à moins que l’entreprise puisse prouver que l’opération est justifiée économiquement et qu’elle ne vise pas à localiser artificiellement des bénéfices hors de France.
Dans ces situations, les transferts de bénéfices sont présumés irréguliers, et l’entreprise doit apporter la preuve contraire.
2. Comment l’administration fiscale détecte-t-elle un transfert indirect de bénéfices ?
L’administration fiscale cherche à identifier les avantages fiscaux anormaux octroyés à des entreprises étrangères. Ces avantages peuvent prendre plusieurs formes :
✔ Prix de transfert anormalement bas ou élevés : lorsqu’une entreprise française vend des biens ou services à une entité liée à un prix inférieur au prix du marché, ou achète des prestations à un prix artificiellement élevé.
✔ Prêt sans intérêts ou à taux anormalement bas à une entité liée.
✔ Renonciation à des créances ou abandon de recettes sans justification économique.
✔ Non-facturation de services rendus à une filiale étrangère, permettant à celle-ci d’augmenter ses bénéfices imposables dans un pays à faible taxation.
Méthodes utilisées pour prouver le transfert de bénéfices
L’administration fiscale peut comparer les prix de transfert pratiqués par une entreprise avec :
✔ Les prix appliqués à des entreprises indépendantes (comparaison interne).
✔ Les prix pratiqués par des entreprises similaires opérant sur le même marché (comparaison externe).
Si un écart significatif est constaté et ne peut être justifié par des éléments économiques objectifs, l’administration fiscale peut réintégrer ces montants dans le bénéfice imposable de l’entreprise en France.
3. La présomption de transfert indirect de bénéfices : une présomption simple
Lorsqu’un avantage anormal est identifié, il est présumé constituer un transfert indirect de bénéfices. Cependant, cette présomption n’est pas irréfutable, et l’entreprise dispose de plusieurs moyens de défense pour contester un redressement fiscal.
A. Comment prouver l’absence de transfert irrégulier ?
L’entreprise peut échapper à la taxation si elle démontre que :
✔ Les avantages consentis ont une contrepartie réelle et équivalente, comme le développement d’un marché à l’étranger ou un retour sur investissement justifié.
✔ Les prix de transfert respectent les pratiques du marché, en fournissant une analyse économique détaillée des transactions concernées.
✔ Les opérations financières ont une justification économique et ne visent pas exclusivement un objectif d’optimisation fiscale.
B. L’acte anormal de gestion en cas d’absence de présomption
Si l’administration fiscale ne peut invoquer l’article 57 du CGI, elle peut requalifier certaines opérations comme des actes anormaux de gestion. Dans ce cas, elle doit prouver que :
✔ L’entreprise française a consenti un avantage non justifié économiquement à une entreprise étrangère.
✔ Le prix convenu est inférieur à la valeur vénale du bien ou du service échangé.
4. Quelles sont les sanctions et obligations en cas de transfert indirect de bénéfices ?
A. Retenue à la source sur les bénéfices réintégrés
Si un transfert irrégulier de bénéfices est détecté, les montants réintégrés dans le bénéfice imposable peuvent être assimilés à des revenus distribués. Cela entraîne :
✔ L’application d’une retenue à la source sur les montants requalifiés comme dividendes versés à l’étranger.
✔ Une majoration pouvant atteindre 75 % si les bénéfices ont été transférés vers un État ou territoire non coopératif (ETNC).
L’entreprise peut engager une procédure de régularisation (article L 62 A du LPF) après la notification de redressement, sauf si le bénéficiaire des revenus est situé dans un ETNC.
B. Documentation obligatoire sur les prix de transfert
Les entreprises appartenant à un groupe multinational doivent fournir une documentation détaillée sur leurs prix de transfert, conformément aux articles L 13 AA et L 13 AB du Livre des procédures fiscales (LPF).
✔ Cette documentation doit inclure une analyse des méthodes de fixation des prix de transfert et une justification économique des transactions intra-groupe.
✔ Les groupes réalisant un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 750 millions d’euros doivent également fournir un reporting pays par pays (Country-by-Country Reporting – CbCR).
✔ Une amende fiscale de 50 000 € par exercice fiscal est appliquée en cas de non-production des documents demandés.
5. Comment sécuriser ses transactions intra-groupe et éviter un redressement fiscal ?
✔ Anticiper et documenter les prix de transfert : s’assurer que les transactions intra-groupe respectent les règles de l’OCDE et sont justifiées économiquement.
✔ Établir une politique de prix de transfert robuste : définir une méthode de fixation des prix conforme aux pratiques de marché et mettre en place une documentation détaillée.
✔ Se conformer aux obligations déclaratives : respecter les obligations de reporting et répondre aux demandes d’informations de l’administration fiscale.
✔ Solliciter un accord préalable en matière de prix de transfert (APA) : une entreprise peut négocier avec l’administration fiscale un accord sur la méthodologie des prix de transfert, afin de sécuriser ses transactions internationales.
Conclusion
L’article 57 du CGI constitue un outil puissant pour l’administration fiscale dans la lutte contre les transferts de bénéfices à l’étranger. Il impose aux entreprises de justifier leurs transactions internationales et de prouver qu’elles respectent les principes de pleine concurrence.
Pour éviter les redressements fiscaux et les sanctions, il est essentiel de structurer ses flux financiers de manière transparente, de bien documenter ses prix de transfert et de respecter les obligations fiscales internationales.
Chez LEXPERTAX, nous accompagnons les entreprises dans la mise en conformité fiscale, la documentation des prix de transfert et la sécurisation des transactions intra-groupe.
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